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Interview accordée par S.E.M. GONG Yuanxing, Ambassadeur de Chine au Maroc, au journal LE MATIN
2008-06-12 00:00

Voilà le texte intégral de l'interview accordée par S.E.M. GONG Yuanxing, Ambassadeur de Chine au Maroc, au journal LE MATIN:

Q: Quel état de lieux faites-vous des relations économiques et commerciales entre le Maroc et la Chine?

R:  Je voudrais tout d'abord remercier Le Matin de m'avoir donner l'occasion pour transmettre les amitiés du peuple chinois au peuple ami et frère du Maroc. Je tiens à exprimer, au nom des populations sinistrées chinoises, ma vive gratitude à Sa Majesté Mohammed VI pour le généreux don qu'il leur a fait au nom du peuple marocain à la suite du violent séisme survenu au Sichuan de la Chine.

Il existe une longue histoire d'échanges et d'amitié entre la Chine et le Maroc. L'histoire écrite de ces échanges remontent au 8e siècle. Ibn BATTOUTA a fait un séjour de plus de 3 ans en Chine dès 1346. Le Royaume du Maroc a établi des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine en 1958. Depuis lors, nos deux pays ont développé considérablement leurs relations sur la base du respect, de l'égalité et des avantages réciproques. Notamment depuis l'échange de visites d'état entre Sa Majesté Mohammed VI en Chine en 2002 et du Président chinois Hu Jingtao au Maroc en 2006, les relations de coopération amicale se sont multipliées dans les domaines politique, économique, commercial, culturel et autres. Nos deux pays vont, justement, célébrer le cinquantenaire de leurs relations diplomatiques le 1er novembre prochain.

Les échanges commerciaux entre nos deux pays se développent constamment. Avec un volume global historique de 2,58 milliards de dollars US en 2007, ils ont été multipliés par 25 en moins de 20 ans, par rapport à l'année 1990, qui n'était alors que de 100 millions de dollars. La Chine occupe aujourd'hui à la 5e place parmi les fournisseurs du Royaume. Les produits chinois, qu'ils soient traditionnels comme le thé, les vêtements et les chaussures, ou des produits nouveaux comme l'électronique l'informatique et l'automoblile, sont bien appréciés sur le marché marocain par leurs rapports qualité /prix très compétitifs.

Le nombre des investissements chinois au Maroc augmente sans cesse. La croissance de l'économie chinoise et le renforcement du potentiel de ses entreprises créent des conditions favorables aux investissements à l'étranger. Encouragés par le gouvernement chinois, ces investissements au Maroc couvrent entre autres la pêche, l'industrie de transformation, les télécommunications. Dans le domaine de la pêche, l'investissement chinois se chiffre à 150 millions de dollars US, à travers 26 entreprises à capitaux mixtes.

Q:  Comment cette présence accrue des entreprises chinoises se décline-t-elle dans d'autres secteurs?

R: En apportant leurs techniques avancés et en partageant leurs expériences de gestion dans les secteurs de l'électricité, du transport, des télécommunications, de l'hydraulique, des chemins de fer et des matériaux de construction, les entreprises chinoises participent activement au développement socio-économique du Royaume. A la fin 2007, le montant contractuel des travaux forfaitaires s'est élevé à 1,17 milliard de dollars US, dont 920 millions déjà réalisés.

La Chine, étant un ami du Maroc, lui a accordé des aides sincères et désintéressés. Elle a envoyé dès 1975, plus de 1300 médecins au Maroc à titre d'assistance publique. Aujourd'hui, 12 missions médicales chinoises prêtent leurs services dans de différentes régions.

Jusqu'à la fin de 2007, avec des prêts sans intérêt, la Chine a accompagné le Maroc dans la réalisation de quatre grands projets de construction clef en main, dont le complexe sportif de Moulay Abdellah de Rabat, trois piscines couvertes de normes olympiques et six cliniques. La Chine a fait des dons au Maroc en fournissant une vingtaine de gros lots de matériels. Elle a réalisé les travaux de la cartographie géochimique de la région Guelmim-Smara et reçu en stage en Chine plus de 400 administrateurs et techniciens marocains dans différents domaines. La Chine accorde chaque année 15 bourses universitaires aux étudiants marocains et depuis 2007, 43 autres bourses s'y sont ajoutées.

Q:  Comment envisagez-vous les perspectives d'avenir pour un partenariat économique plus équilibré qu'il en est actuellement entre les deux pays.

R:  Nos relations de partenariat économique s'offrent de belles perspectives d'avenir. D'abord parce que les relations entre la Chine et le Maroc sont excellentes et reposent sur une base solide, caractérisée par la confiance mutuelle, l'égalité et l'avantage réciproque. Ensuite, nous sommes tous animés d'une ferme volonté de promouvoir un nouveau partenariat. Enfin, il existe une forte complémentarité dans nos relations économiques et commerciales.

La Chine exporte beaucoup. Les produits chinois profitent aux différentes couches des consommateurs du monde. Elle importe aussi beaucoup. Le volume global de l'importation chinoise s'est élevé à plus de 956 milliards de dollars US en 2007. Nous encourageons également l'exportation marocaine vers la Chine. Nous avons, à ce titre, invité les exportateurs marocains à faire la promotion de leurs produits en République Populaire de Chine. Nous accordons même des espaces d'exposition gratuits aux exportateurs marocains en Chine. Un espace de 324m2  sera mis à la disposition du Maroc à titre gracieux pour l'Expo universelle de 2010 à Shanghai. Le marché chinois est ouvert à tout ce qui vient du Maroc, il suffit qu'il fasse plus de marketing en Chine pour ses produits-phares tels que les engrais phosphatés, l'huile d'olive, le vin et autres...... dont la Chine importe beaucoup des autres pays. Un « Protocole phytosanitaire pour l'exportation des agrumes marocains sur le marché chinois» a été signé en mars dernier. Je souhaite que les agrumes marocains occupent une place de choix sur le vaste marché chinois. Pour cela, il faut que le Maroc en produise davantage. Mais également davantage d'huile d'olive.

Les avantages du marché marocain sont évidents pour les investissements chinois, avec notamment la stabilité politique, le système juridique complet, les ressources humaines qualifiées et la position géographique privilégiée. Le gouvernement chinois encourage les entreprises chinoises à investir au Maroc en leur accordant des mesures préférentielles.

Q: Vu sa position, le Maroc peut jouer le rôle de tête de pont ou de hub pour la Chine dans sa politique africaine. Qu'en pensez-vous?

R:  La politique de la Chine pour l'Afrique peut se résumer en ceci : amitié sincère, coopération gagnant-gagnant et  développement partagé.

La Chine souhaite travailler avec le Maroc pour développer ses relations de coopération avec l'Afrique, notamment dans le cadre du Forum sur la Coopération sino-africaine. Nous pouvons faire ensemble beaucoup de choses pour créer un nouveau modèle de coopération Sud-Sud qui permet non seulement de renforcer notre coopération bilatérale mais aussi de contribuer à la promotion des relations de coopération entre la Chine et l'Afrique, d'autant plus que le Maroc constitue une plaque tournante du continent africain. J'espère qu'avec la réalisation du port Tanger-Med et l'augmentation de l'investissement chinois, le Maroc jouera un rôle important dans la coopération économique et commerciale entre la Chine et l'Afrique.

Q: Quel avenir pour les échanges d'expertises et compétences entre les deux pays et les éventuels obstacles à éviter notamment d'ordre administratif et procédural?

R:    Il est hors de doute que les échanges d'expertises et compétences jouent un grand rôle dans les relations politiques, économiques et culturelles entre les deux pays. Par ailleurs, les échanges personnels se développent avec le renforcement de la coopération dans le domaine du Tourisme. Je pense qu'il s'agit également d'un moyen pour combler le déficit commercial. La Chine compte 50 millions de touristes qui voyagent chaque année à l'étranger. Nos deux pays ont signé l'accord de coopération touristique. Le Maroc pourra faire en Chine la promotion du tourisme comme font beaucoup d'autres pays. Il y a bien sûr des difficultés, dont les barrières linguistiques. Dans l'intérêt d'attirer les touristes et surtout les opérateurs économiques, il conviendrait d'accorder plus de facilités administratives, y compris l'adoption d'une politique de visa plus transparente et plus efficace.

Q: Parlez-vous du modèle chinois en matière de développement accéléré, qui malgré une résistance mondiale, a pu faire son chemin...

R:  Depuis le lancement de la politique de réforme et d'ouverture il y a 30 ans, l'économie chinoise a connu un taux de croissance annuel de 9,7% en moyenne. La puissance globale du pays occupe aujourd'hui la 4e place mondiale. Mais la Chine démarre d'un très bas niveau. Les problèmes qui accompagnent son développement économique résultent plutôt de son manque à l'époque de moyens de technologie avancés. Elle se trouve aujourd'hui dans une phase décisive de réforme et de développement et traverse une période importante d'industrialisation et de modernisation.

Face à cette nouvelle situation, le gouvernement chinois a adopté une décision qui consiste à changer de modèle de développement économique. Premièrement, passer d'une croissance s'appuyant essentiellement sur l'investissement et l'exportation à celle stimulée par la consommation, l'investissement et l'exportation. Deuxièmement, passer d'une croissance entraînée surtout par le secteur secondaire à celle entraînée par les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Troisièmement, passer d'une croissance basée sur la consommation des matières et ressources à un développement marqué par le progrès scientifique et technologique, l'augmentation de la qualification des travailleurs et l'innovation de la gestion.

Au début, la réforme a démarré par le milieu rural pour passer en suite aux villes où les usines qui produisaient selon une économie planifiée ont commencé dès 1992 à épouser l'économie de marché. A titre d'illustration, la Chine dispose de 7 % des terres arables dans le monde, mais elle est obligée de nourrir 22% de la population mondiale. Aujourd'hui, grâce à l'enthousiasme des paysans chinois, c'est l'abondance dans un temps où le monde connaît une crise alimentaire.

La Chine est le deuxième pays producteur d'énergie du monde. Depuis longtemps, elle s'appuie sur ses propres énergies pour son développement économique avec un taux d'autosuffisance énergétique supérieur à 90%, dépassant de loin celui de nombreux pays développés. Par ailleurs, la Chine possède un grand potentiel énergétique. Le charbon du pays fournit 76% de l'énergie consommée en Chine. Le pétrole importé par la Chine représente seulement 7% des importations mondiales, loin derrière les Etats-Unis, l'Europe et le Japon. Il est donc injuste de taxer la Chine de trop abusive pour les ressources mondiales et d'attribuer l'augmentation des prix du pétrole à la demande chinoise.

La Chine attache une grande importance à l'économie de l'énergie et à la lutte contre le gaspillage. Des mesures efficaces ont été prises pour élever le taux d'efficacité dans l'utilisation de l'énergie, réduire l'importance des secteurs à haute consommation d'énergie et encourager l'innovation technique.

Le gouvernement chinois a rédigé en 2006 le XIe plan quinquennal qui mise sur un développement durable préservant les ressources naturelles. Il a pour objectifs essentiels : tout en maintenant un taux de croissance annuel moyen de 7,5%, optimiser la structure économique,  améliorer l'efficacité énergétique de 20% et réduire de 10% le volume global des émissions principales de matières polluantes. Ce qui montre la volonté de la Chine de passer d'un modèle de développement caractérisé par le haut coût, la forte pollution et la forte consommation d'énergie à celui de faible consommation d'énergie et de protection de l'environnement.

La Chine exécute actuellement dix projets d'économie d'énergie tels que la recherche du substitut d'énergies fossiles, l'utilisation de la combustion pour produire à la fois une source de chauffage et d'électricité, le recours à la chaleur résiduelle sans perdre de vue la sensibilisation aux économies d'énergie dans le secteur des BTP etc. Elle renforce également le rôle de la politique fiscale dans la gestion des économies d'énergie et exploite activement de nouvelles ressources énergétiques telles que les petites centrales hydrauliques, le biométhane propre, l'électricité éolienne, les chauffe-eau solaires...

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